
La transhumance politique, fléau récurrent de la scène politique sénégalaise, soulève de nombreuses questions sur ses conséquences, tant sur le plan éthique que sur le fonctionnement de notre démocratie. En observant les comportements de certains acteurs politiques à l’approche des élections, on est forcé de constater que ce phénomène persiste, se répétant inlassablement au fil des années. Mais au-delà des alliances opportunistes qui en découlent, la transhumance pourrait-elle servir de refuge pour éviter la reddition des comptes ?
Il est regrettable que ces politiciens se présentent souvent sous des prétextes faussement vertueux, expliquant leur migration par des promesses d’amélioration pour leurs électeurs, alors qu’en réalité, leurs motivations sont purement personnelles et souvent liées à des gains immédiats, comme l’immunité face à des poursuites ou des privilèges.
Ce phénomène a des effets dévastateurs sur la confiance que les citoyens accordent aux institutions politiques. Lorsque des élus changent de parti ou de camp à chaque nouvelle élection, ils érodent la foi que les électeurs placent en eux, créant une désillusion générale et alimentant le cynisme politique. Les citoyens se retrouvent souvent dupés, leurs aspirations piétinées par des politiciens qui mettent leurs intérêts personnels avant l’intérêt collectif.
La transhumance affaiblit également le principe de la reddition des comptes, car elle permet à certains politiciens d’échapper aux conséquences de leurs actes. En rejoignant un nouveau parti, ou en s’alliant avec le pouvoir en place, ces individus peuvent espérer être protégés des enquêtes ou sanctions qui auraient pu être engagées contre eux. De cette manière, la transhumance devient un mécanisme de protection, un moyen de se recycler politiquement, de se laver des erreurs du passé, et parfois même d’obtenir une nouvelle virginité politique.
L’une des questions les plus cruciales soulevées par ce phénomène est celle de savoir si la transhumance permet véritablement à certains politiciens d’échapper à la reddition des comptes. Dans un contexte où la justice reste dépendante de l’exécutif ou influencée par des considérations politiques, il n’est pas rare de voir des transhumants être intégrés à des sphères de pouvoir en échange de leur silence ou de leur allégeance.
Les exemples abondent où des figures politiques, anciennement critiques du pouvoir, finissent par rejoindre ce même pouvoir, souvent avec la promesse d’échapper aux poursuites judiciaires ou aux enquêtes sur leurs gestions passées. Ce cycle perpétue une culture de l’impunité, sapant ainsi les efforts visant à instaurer un véritable système de reddition des comptes dans notre pays.
Face à ces constats, il devient impératif de réformer en profondeur le système politique sénégalais pour mettre fin à la transhumance et à ses effets pervers. Cela passe d’abord par l’instauration d’une véritable indépendance judiciaire, afin que chaque acteur politique puisse être tenu responsable de ses actions, qu’il change de camp ou non. Ensuite, une révision des lois sur la transparence et la reddition des comptes est nécessaire pour garantir que tout élu, quel que soit son parti, soit soumis aux mêmes règles.
En conclusion, la transhumance, loin d’être un simple phénomène de réajustement politique, est un fléau qui menace la qualité de notre démocratie. Elle permet à des politiciens sans scrupules de trahir leurs convictions et leurs électeurs pour leur propre bénéfice, tout en échappant à la reddition des comptes. Il est donc urgent de prendre des mesures fermes pour y mettre un terme et restaurer la confiance des Sénégalais dans leurs institutions.