
Ousmane Sonko, Premier ministre, et le Collectif des fournisseurs de matériels médicaux contestent deux décisions distinctes de la Cour suprême qu’ils jugent « purement formelles ». Le premier vise un arrêt favorable à Mame Mbaye Niang ; les seconds s’opposent à la validation d’un contrat de 71 milliards FCFA accordé sans appel d’offres à Africa Consulting & Distribution (ACD).
Dans les deux affaires, la haute juridiction a refusé d’examiner le fond et renvoyé Sonko à d’autres recours, les fournisseurs vers l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP). Chacun affirme détenir « des éléments nouveaux » écartés par le juge.
Selon PointActu qui livre les révélations suivantes, pour le marché contesté, la promesse de financement attribuée à la banque allemande KfW fait débat. Une lettre adressée au ministère des Finances indique que la banque « n’a signé aucune convention ». Sans accord formel, l’article 9 du Code des marchés publics prohibe l’approbation. Le ministère n’a pas montré de document contraire.
Le Collectif rappelle qu’en 2015 l’ex-ARMP, ancêtre de l’ARCOP, imposa un appel d’offres pourtant couvert par un crédit. En 2023, l’État choisit l’entente directe, élargit le périmètre à l’imagerie médicale et augmente le coût de 55 à 71 milliards FCFA. À leurs yeux, cela confère un quasi-monopole à la marque Siemens, partenaire d’ACD, avec un surcoût projeté de 150 milliards sur dix ans.
ACD défend la légalité du processus. Dans un mémoire, elle souligne que la Direction centrale des marchés publics (DCMP) valida le contrat en vingt-quatre heures, hausse comprise, et impute l’augmentation à l’inflation des composants. Elle regrette que la suspension bloque la livraison d’équipements « vitaux ».
Les fournisseurs ont déposé plainte pour « faux » devant le pôle financier, visant la mention d’un financement inexistant, et menacent de saisir la Commission européenne si KfW contrevenait à ses propres règles. Ils attendent aussi l’avis de l’ARCOP sur l’« urgence impérieuse » évoquée après les troubles de 2021 et 2023, jugée hors sujet.
Dans un communiqué du 28 juin 2025, Sonko annonce un nouveau recours contre Mame Mbaye Niang, citant « des preuves ignorées ». S’il se tait sur le marché de la Santé, un conseiller assure qu’« aucune régularisation ne sera validée sans transparence ».
Pour prévenir toute action en diffamation, cet article s’appuie sur décisions de justice, lettres officielles et déclarations écrites archivées. Conformément à la loi 2007-02, les personnes citées peuvent exercer un droit de réponse. Les soupçons de surfacturation de 20 milliards FCFA n’ont pas été jugés.
Derrière la bataille juridique se cache un enjeu budgétaire. Le Collectif craint qu’un monopole n’accroisse les charges hospitalières ; une source ministérielle rétorque que la centralisation réduira les temps d’arrêt. Faute de financement validé, aucun bon de commande n’a été émis ; le contrat reste gelé.
Le parallèle entre les démarches de Sonko et des fournisseurs met en lumière une fragilité institutionnelle : quand la Cour suprême se concentre sur la procédure, la question de la légalité substantielle demeure. Des juristes estiment que cette pratique « mine la confiance publique ».
Si l’ARCOP conclut à une violation, elle pourra recommander l’annulation ou un appel d’offres. ACD disposerait d’un recours, mais l’État devrait repartir à zéro, retardant la modernisation annoncée.
Au-delà des divergences politiques, Sonko et les fournisseurs semblent partager un credo : sans preuve vérifiable, toute décision manque de légitimité. Le sort du marché de 71 milliards dira si cette convergence ponctuelle peut infléchir une gouvernance des achats publics souvent critiquée par la Cour des comptes.
L’ARCOP, attendue fin juillet, a auditionné les parties et exigé les pièces financières. Si elle confirme l’absence de financement ou l’urgence injustifiée, elle pourra recommander l’annulation, sanctionner les décideurs et transmettre le dossier au parquet. Les fournisseurs, qui avaient mobilisé près de 2 milliards FCFA de lignes de crédit pour un appel d’offres espéré, réclament le remboursement des frais et des dommages.
Selon PointActu, une source interne à KfW affirme que « nos règles interdisent de financer un marché négocié sans concurrence effective ». Sans appel d’offres transparent, « aucune ligne de crédit n’est envisageable », ajoute-t-elle, compliquant la recherche de bailleurs freinée par la montée des taux.